Le rapport au blasphème dans l’Union Européenne

On peut observer d’emblé la tendance répressive qui se dégage en Europe (en particulier dans les pays de confession catholique). Le blasphème est le plus souvent considéré comme un délit, parfois il est ignoré mais il n’est jamais perçu comme un droit. Il est important de souligner ces faits à l’heure où justement, l’Europe donne des leçons de démocratie et s’insurge contre des tentatives de censure dans des affaires de blasphème touchant la religion musulmane (l’affaire Rushdie en 1988, l’affaire des caricatures de Mahomet en 2006 et l’attentat contre Charlie Hebdo en 2015 sont les plus marquantes).

D’emblé il faut distinguer le blasphème du sacrilège. Ce dernier renvoie à des actes de profanation contre ce qui est sacré (objets, lieux ou personnes du culte). En revanche, par blasphème, on entend, au sens strict, des paroles, des écrits ou des images injurieux pour Dieu. Ce mot vient du latin blasphemia qui signifie « prononcer des paroles de mauvaises augures ». Selon l’étymologie grecque, c’est « un acte de parole qui blesse une réputation ». On remarquera dans cette dernière définition l’assimilation de la parole à un acte.

Dans la Bible, le blasphème est appliqué également aux actions proférées contre Dieu et recouvre au final toute parole ou acte de mépris contre Dieu. D’après l’Ancien Testament, blasphème :

  • – Celui qui prononce à tord le nom de Dieu :

Tu ne prononceras pas le nom de Yahvé ton Dieu à faux, car Yahvé ne laisse pas impuni celui qui prononce son nom à faux. (Exode 20, 7 et Deutéronome 5, 11) ;

  • – celui qui pêche délibérément :

Mais celui qui agit délibérément, qu’il soit citoyen ou étranger, c’est Yahvé qu’il outrage. Un tel individu sera retranché du milieu de son peuple. (Nombres 15,30) ;

  • – les païens qui oppriment le peuple de Dieu :

A la vue des impiétés qui se perpétraient en Juda et à Jérusalem. (1er des Maccabées 2,6) ;

de se souvenir aussi du massacre criminel des enfants innocents et de se venger des blasphèmes lancés contre son nom. (2e des Maccabées 8,4) ;

sans cesse, tout le jour, mon nom est bafoué. C’est pourquoi mon peuple connaîtra mon nom, c’est pourquoi il saura, en ce jour-là que c’est moi qui dis : ‘Me voici.’ (Isaïe 52,5 6,3)

  • – celui qui met en doute la puissance salvatrice de Dieu :

Puisse Yahvé, ton Dieu, entendre les paroles du grand échanson, que le roi d’Assyrie, son maître, a envoyé insulter le Dieu vivant, et puisse Yahvé, ton Dieu, punir les paroles qu’il a entendues ! Adresse une prière en faveur du reste qui subsiste encore. […] celui-ci leur dit : ‘Vous direz à votre maître : Ainsi parle yahvé. N’aie pas peur des paroles que tu as entendues, des blasphèmes que les valets du roi d’Assyrie ont lancés contre moi. […] Qui donc as-tu insulté, blasphémé ? Contre qui as-tu parlé haut et levé ton regard altier ? Contre le Saint d’Israël ! (2e des Rois 19,4.6.22)

  • – celui qui injurie son pays ou son temple :

et tu sauras que moi, Yahvé, j’ai entendu toutes les insolences que tu as prononcées contre les montagnes d’Israël en disant : ‘Elles sont dévastées, elles nous ont été données pour les dévorer.’ (Ezéchiel 35,12) ;

exerce ta vengeance sur cet homme et sur son armée, qu’ils tombent sous l’épée ! Souvient-toi de leurs blasphèmes et ne leur accorde pas de relâche ! (1er des Maccabées 7,38).

Le Nouveau Testament reprend le sens classique de « parole injurieuse pour la divinité ».

L’étymologie nous révèle donc différents sens possibles selon que l’on inclut ou pas les actes outrageants. Jésus, lui-même, apparaît comme la figure qui souligne l’ambiguïté de la notion de blasphème : blasphémateur pour les juifs, Messie pour les chrétiens. Rappelons que, prétendant au rang divin, Jésus fut accusé de blasphème par le Grand Prêtre :

‘Vous avez entendu le blasphème ; que vous en semble ?’ Tous prononcèrent qu’il était passible de mort. (Evangile de Marc 14, 61-64)

‘Qu’en pensez-vous ?’ Ils répondirent : ‘Il est passible de mort.’ (Evangile de Matthieu 26,66).

Dans la bible, le blasphème est mis sur le même pied que l’homicide. Crime capital lorsqu’il met directement en cause Dieu, il est puni, à l’origine, de lapidation ou de mutilation :

Qui blasphème le nom de Yahvé devra mourir, toute communauté le lapidera. Qu’il soit étranger ou citoyen, il mourra s’il blasphème le Nom. (Lévitique 24,16).

L’interdit biblique du blasphème vise surtout à éviter le détournement du Nom de Dieu par la magie, le parjure et l’outrage (juron). Que ce soit dans le judaïsme, le christianisme ou l’islam, le Nom Dieu est sacré (voir le Notre Père : « Que ton Nom soit sanctifié ! »).

La structure langagière du blasphème adopte des formes simples : le trait d’esprit, le comique, la moquerie, la satire, l’ironie, la plaisanterie, la caricature… Il est possible de caractériser différentes sortes de blasphèmes selon leur objet (immédiat ou médiat), leur intention (directe ou indirecte) et leur forme (parole ou action). Le Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie (1907) distingue, à l’origine, quatre catégories : le blasphème des apostats et des lapsi, le blasphème des hérétiques, le blasphème des chrétiens, le blasphème contre le Saint-Esprit.

Il serait nécessaire d’ouvrir nos recherches à une histoire du blasphème et des législations qui ont encadré sa répression ; d’examiner le rôle des Etats, celui des Eglises ; d’examiner le rapport entre humour et blasphème, de construire une sociologie des blasphémateurs ; d’effectuer un recensement des œuvres blasphématoires majeures tant littéraires que picturales ou cinématographiques, d’analyser l’origine des jurons et d’en évaluer les usages d’un pays à l’autre.

Nous nous contenterons ici d’examiner le passage de l’interdit (loi divine) à la répression sociale (loi humaine) dans nos sociétés démocratiques modernes fondées sur la séparation des pouvoirs. C’est-à-dire que nous tenterons à partir de l’état actuel de la législation contre le blasphème en Europe, d’en mesurer la cohérence, la pertinence et finalement de débattre du modèle démocratique qui se dessine à travers l’observation des pratiques de la liberté d’expression.

La tradition chrétienne a laissé des traces dans les législations en Europe. Mais il est très difficile de fonder le délit de blasphème. Un acte de parole peut être polysémique : une louange de Dieu peut constituer une injure involontaire. L’intention de l’auteur est difficile à juger : on peut s’en prendre à Dieu qui laisse le monde dans le malheur en espérant qu’il entendra. Est-ce un blasphème pour autant ?

La législation pose donc le problème de savoir comment définir « un critère précis de la blessure condamnable » (Bernard Sève, 1990). En effet, « les convictions d’autrui sont-elles un argument ? » et comment articuler, dans la communication, espace public et espace privé ?

Il est généralement admis qu’il ne faut pas blesser les convictions d’autrui. Par conviction on entend ce qui touche à la sensibilité par opposition aux opinions qui peuvent être réfutées sans ménagement. Mais une opinion n’est pas pure raison. La sensibilité, la morale, s’invite dans les discussions les plus philosophiques. Le matérialisme marxiste, par exemple, n’est-il pas aussi une conviction sensible ? Seules certaines convictions seraient alors concernées : en particulier celles qui engagent l’identité. Mais, en ce sens, le racisme serait une conviction qu’il ne faudrait pas blesser alors que l’on peut la juger comme une altération de la pensée. Les seules convictions à protéger seraient donc les convictions religieuses. S’il peut y avoir des conflits d’opinions, il ne saurait y avoir de conflit à propos du sacré. Cependant, il n’y a pas un sacré mais des sacrés (religieux ou laïques d’ailleurs).

Les convictions, religieuses ou pas, sont nécessairement amenées à être discutées, confrontées publiquement. De plus, quelle altérité veut-on réguler ? S’agit-il des relations entre cultures, entre croyants et non-croyants, entre soi et les autres, entre l’homme et Dieu ? Et ce Dieu aurait-il des droits ?

Il faut souligner enfin que le blasphème ne concerne pas seulement les religions. Il peut exister une dimension blasphématoire dans un discours sur les mœurs, sur le profit, sur l’argent… En particulier, la parodie des marques commerciales constitue un blasphème de la religion des affaires même si les tribunaux ne le traitent pas sous cet angle. Et en effet, pourquoi l’emblème de la « firme » catholique ne serait-il pas protégée alors que le logo de n’importe quelle industrie l’est ?

Il paraît impossible de trouver un critère précis pour justifier d’éventuelles sanctions contre le blasphème. D’ailleurs, les jugements en ce domaine témoignent avant tout de l’embarras des tribunaux saisis. En effet, tout croyant peut se sentir blessés par des propos tenus par les athées ou par les adhérents d’autres religions. Il est d’ailleurs possible de retourner le délit : certaines positions de l’Eglise catholique (contre le préservatif, par exemple) ne serait-il pas, dans le fond, un blasphème contre les valeurs humanistes ? Il faut, au contraire, affirmer le blasphème comme un droit de l’homme.

Car c’est bien en fait un privilège qui est invoqué : le privilège de faire prévaloir les convictions d’une communauté sur le principe de liberté d’expression. La logique voudrait que toutes les convictions, sans distinctions, soient mises à l’abri des attaques. Autant dire que plus aucun livre ne paraîtrait. Un livre peut être réfuté ou, tout simplement, ne pas être lu. Comment décider de ce qui est blessant ? Et pour qui ? Chacun peut être blessé par des choses différentes.

En revanche, le sacrilège, lui, porte atteinte au libre exercice du culte. Une sanction paraît justifiée dans des cas précis :

  • – empêcher ou déranger le déroulement d’une cérémonie religieuse ;
  • – détériorer ou souiller des objets religieux dans des lieux de culte ;
  • – inciter à la violence envers un ministre du culte.

Mais nous sommes arrivé aujourd’hui à un stade où l’interdit est intériorisé. La censure à laquelle nous assistons est muette, implicite, voire inconsciente. L’interdit est refoulé mais en action. Le politiquement correct a engendré un religieusement correct qui n’a pas besoin de lois pénales pour mettre en action la censure. Le religieusement correct est ainsi un euphémisme c’est-à-dire un adoucissant pour paroles déplaisantes. La parole, l’expression est atténuée dans le sens du bien, du convenable.

On le voit, blasphémer en Europe n’est en rien un droit. Le blasphémateur est confronté à de sévères dispositions pénales mais aussi aux conformismes ambiants. Cette situation témoigne d’une grave crise des fondements de la démocratie à l’heure ou l’obscurantisme semble gagner du terrain.

Le multiculturalisme est une des caractéristiques qui accompagne la mutation actuelle des sociétés modernes. La confrontation des différences dans le contexte de mondialisation mêle un ensemble de crises, de revendications qui touchent le sujet, son identité, ses valeurs, son langage, ses connaissances. Blasphémer devient alors un acte à haut risque pour celui qui s’y aventure.

Cette sensibilité concernant les identités affecte d’abord la parole elle-même. Le politiquement correct est un conformisme du langage qui vise à écarter ce qui dérange ou ce qui offense. D’après Andréa Semprini (1997), cette locution vient du vocabulaire staliniste des années 50 et désignait la soumission à la ligne politique du comité central. Mais le politiquement correct va faire fortune et prendre son essor aux Etats-Unis et, en particulier, dans les campus universitaires. Progressivement, va se mettre en place un programme d’amélioration de la langue et de remplacement des mots dévalorisants. On ne dira plus « handicapé » mais « mal-voyant » par exemple. Différents groupes se sont emparés d’une démarche que l’on pourrait qualifier d’épuration linguistique même si l’intention pouvait être généreuse à la base : on peut citer le mouvement féministe mais aussi, dans une préoccupation plus ethnique, les Blacks, les Latinos, les Natifs, les Nippons, etc. Nous assistons donc, dans les années 60, à la naissance d’une nouvelle utopie dont nous commençons seulement aujourd’hui à mesurer les risques, les excès, les dérives.

Il faut admettre que l’on peut avoir deux approches du politiquement correct. Une conception constructiviste qui insiste sur le rapport à la réalité du langage et qui lui attribut un rôle social. En résumé, changer un mot peut agir sur la réalité. Combattre le sexisme suppose de condamner certains propos. On peut aussi avoir une conception référentielle qui dénonce le totalitarisme linguistique c’est-à-dire une police de la langue vaine et inutile. Le langage désigne, révèle la réalité. Il n’est que le symptôme de phénomènes complexes qu’il aide à connaître mais n’en constitue pas la cause. C’est à partir de cette dernière approche que nous voudrions aborder le phénomène émergent du religieusement correct.

Dans Langage et pouvoir symbolique (2001), Pierre Bourdieu montre que la langue est soumise à un « marché linguistique » dominé par un « capital symbolique » :

Les discours sont toujours pour une part des euphémismes inspirés par le souci de ‘bien dire’, de ‘parler comme il faut’, de produire les produits conformes aux exigences d’un certain marché, des formations de compromis, résultant d’une transaction entre l’intérêt expressif (ce qui est à dire) et la censure inhérente à des rapports de production linguistique particuliers – qu’il s’agisse de la structure de l’interaction linguistique ou de la structure d’un champ spécialisé – qui s’impose à un locuteur doté d’une certaine compétence sociale, c’est-à-dire d’un pouvoir symbolique plus ou moins important sur ces rapports de force symbolique.

Cette « économie des échanges linguistiques » n’a pas besoin de censure externe puisqu’elle « s’accomplit par l’intermédiaire d’un rapport au marché qui en est la forme incorporée ». On peut parler alors d’une censure anticipée par le marché du langage qui impose des mises en formes du discours. Nous trouvons ainsi chez Bourdieu une thèse qui pose des éléments d’explication des mécanismes du politiquement correct. Celui-ci tend aujourd’hui à occuper également la sphère des discours touchant les religions.

On peut trouver des traces anciennes du religieusement correct dans les jurons. Dans morbleu (= mort de Dieu) « bleu » remplace Dieu par crainte d’employer son nom. Mais le religieusement correct tel que nous le connaissons aujourd’hui est bien une déclinaison directe du politiquement correct. Il trouve son origine en France dans les années 70 avec notamment la loi du 1er juillet 1972 (dite « loi Pleven ») qui renforce la répression des discriminations en raison de la race, de la religion, de la nation ou de l’ethnie. La loi du 13 juillet 1990 (dite « loi Gayssot ») modifie le dispositif de 1972 en établissant un délit de négation des crimes contre l’humanité. Il est clair que la lutte contre les fléaux du racisme, de l’antisémitisme ou de la xénophobie est tout à fait légitime. Ce qui parait problématique, c’est l’éventuel glissement du délit de racisme vers le délit de blasphème et, dans le fond, le glissement du refus de la discrimination vers le refus de la différence. Des associations comme l’AGRIF (alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française) et Croyance et libertés (créée par l’épiscopat français) lancent de nombreux recours en justice pour blasphème sous couvert de lutter contre un prétendu « racisme antichrétien ». Chacun, en effet, a tendance à revendiquer son statut de victime en dénonçant « la nouvelle judéophobie » (titre d’un ouvrage de Pierre-André Taguieff en 2002), « la nouvelle islamophobie » (titre d’un ouvrage de Vincent Geisser en 2003) ou « le nouvel antichristianisme » (titre d’un ouvrage de René Rémond en 2005). Au lendemain du 11 septembre 2001, cette tendance paranoïaque a trouvé de nouvelles raisons de s’exprimer.

Ce dont nous discutons ici, c’est des effets sur la langue. La recherche d’une langue parfaite, expurgée des propos irrespectueux envers les religions se heurte au fait que le langage ne peut pas être neutre par définition. Il exprime des rapports de force, des valeurs, des croyances qui s’échangent dans l’espace démocratique. Le brassage des cultures rend encore plus sensible l’usage de la langue. L’utopie du religieusement correct est le rêve d’une langue moralement neutre, une langue descriptive du fait religieux, hors de toute connotation et finalement de tout débat. Mais, disons-le, cette quête de la neutralité est dangereuse. Au nom d’une cause généreuse, la communication (et en particulier le discours médiatique) tend à adopter un lexique technique, une terminologie sans enjeux, un énoncé sans interlocuteur, un discours stable, homogène, à la portée de tous. La pensée unique c’est surtout dire la même chose, à défaut de penser la même chose. Ce qui est mis en cause ici, c’est l’acceptation de la différence, de l’hétérogénéité dans les échanges. Le changement radical dans la communication que nous décrivons est à mettre en parallèle avec la timidité de l’engagement, la timidité des aspirations religieuse, philosophiques, politiques ou artistiques dans la société. Exposer des valeurs hors du religieusement correct est un exercice hautement périlleux. Régis Debray dénonçait, dans un livre, le phénomène d’excommunication médiatique qui exclut ceux qui « pensent mal ». En effet, il semble que les médias jouent un rôle déterminant dans cette affaire.

Deux modèles s’imposent : le langage d’expert et le langage de l’émotion ; chacun, à sa manière, excluant toute discussion. Profondément enraciné dans nos pratiques, le religieusement correct, à partir du respect de la différence, conclut à l’effacement des différences. Il met à bonne distance le fait religieux quand il faudrait s’en emparer. Il annihile, norme et objective les comportements. La régulation entre les individus concernant les jugements moraux est renvoyée dans la sphère du droit comme arme d’intimidation, de dissuasion, voire de censure. Des associations sont créées afin de lutter contre le blasphème en France : Croyance et Liberté déjà cité afin de « protéger et de défendre les catholiques des atteintes à leurs sentiments religieux ou à leurs convictions religieuses, qu’ils pourraient subir par la voie de la radio, de la presse, du film, de la télévision, de l’image ou de tout autre support », mais on peut citer également l’AGRIF (au nom de la tradition et de l’antiracisme), l’association Famille de France (qui occupe, elle, le terrain des luttes morales) ou l’UAM 93 (Union des associations musulmanes de la Seine-Saint-Denis, au nom de la lutte contre l’islamophobie).

Dans le contexte de mondialisation, les individus connaissent un degré d’exposition à la différence de plus en plus important. Il parait urgent de se doter d’instruments culturels aptes à favoriser la coexistence de groupes et d’individus qui n’avaient pas l’habitude de se côtoyer. La mise en contact de ces franges de la société ne pourra évidemment pas reposer sur la censure même intériorisée. Seules, selon nous, l’éducation, l’apprentissage de la socialisation et la laïcité sont capables de proposer des principes clairs pour négocier les relations entre les groupes sociaux. Le principe laïque est un dépassement des différences qui ouvre la possibilité d’une « compétence relationnelle ». Le « bon sens », la générosité, la compassion ne suffisent pas à établir une base saine à l’interaction. La controverse est nécessaire à la vie des idées. Pour ce faire, la communication interpersonnelle ni politiquement, ni religieusement correcte, est censé aider l’intégration des différences. La recherche d’une langue parfaite mène assurément à une distance parfaite, mais dangereuse, entre les individus. C’est alors l’autonomie de la pensée elle-même qui est en péril.