Libéral

France

La laïcité constitue l’un des fondements de l’organisation juridique et sociale de la République Française. L’article 1er de la constitution de 1958 précise que la France est « une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ».

La France est un des rares pays où le blasphème n’a pas de valeur devant un tribunal. De ce fait, avec la Belgique, elle jouie d’une situation privilégiée. Le blasphème est sortit définitivement du Code pénal français en 1791 (notons cependant un bref retour du délit pénal de sacrilège et de blasphème de 1825 à 1830 avec la Restauration). Le « blasphème public contre Dieu » n’existe, en France, qu’en Alsace Moselle dans le code local à l’article 166 qui prévoit trois ans de prison.

 

« Art. 166. – Celui qui aura causé un scandale en blasphémant publiquement contre Dieu par des propos outrageants, ou aura publiquement outragé un des cultes chrétiens ou une communauté religieuse établie sur le territoire de la Confédération et reconnue comme corporation, ou les institutions ou cérémonies de ces cultes ou qui, dans une église ou un autre lieu consacré à des assemblées religieuses, aura commis des actes injurieux et scandaleux, sera puni d’un emprisonnement de trois ans au plus. »

 

Ce texte correspond, en fait, au code pénal allemand de 1861. En effet, rattachée à l’Allemagne lors du vote de cette loi fondamentale, l’Alsace Moselle n’est pas soumise à la Loi de séparation des Eglises et de l’Etat. Elle bénéficie d’un statut dérogatoire fondé sur le Concordat de 1801 signé par le Consul Napoléon Bonaparte.

La loi de 1972 vise à lutter contre le racisme et les discriminations mais ne rejoint en rien le délit de blasphème :

« Ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication audiovisuelle (…) auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d’un emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de 2000 F à 300 000 F, ou de l’une de ces deux peines seulement » (Art. 23, alinéas 1 et 24, alinéas 5 et 6, de la Loi du 29.7.1881, modifiés par la Loi du 1.7.1972).

 

Le décret du 27 mars 1992 fixant les principes généraux de la déontologie publicitaire constitue bien une restriction à la liberté de création et d’expression dans ce domaine. L’éthique des messages publicitaires vise notamment à protéger l’intégrité morale des téléspectateurs. Selon l’article 5, « la publicité ne doit contenir aucun élément de nature à choquer les convictions religieuses, philosophiques ou politiques des téléspectateurs ». Le BVP (Bureau de Vérification de la Publicité) est un regroupement interprofessionnel qui assure le contrôle de l’application du décret. Il recommande la prudence en matière de références religieuses : pas d’image péjorative des croyants et des représentants religieux ; ne pas utiliser directement ou indirectement des symboles religieux essentiels comme les vœux ou les sacrements.

Le 12 mars 1987, l’ouvrage de Christian Laborde L’os de Dyonisos est interdit par la cour d’appel de Pau pour paganisme, lubricité et provocation. Cette censure sera levée par la Cour de Cassation en janvier 1989. Entre temps, Christian Laborde est suspendu de ses fonctions de professeur de français et d’occitan par le recteur…

En 1989, à l’occasion de la sortie du film La Dernière Tentation du Christ, le cardinal Lustiger proteste par avance contre sa diffusion et fait une déclaration lourde de signification dans Le Figaro du 31 octobre 1991 :

« D’autres [publications] ont peut-être une intention plus idéologique lorsqu’elles caricaturent – par ignorance ? – ce que croit l’Église et ce qu’elle enseigne. Elles tournent en ridicule, parfois jusqu’à la calomnie, des hommes et des femmes qui y ont engagé leur vie. Ou encore elles prennent pour objet de dérision le récit de la vie du Christ et ses épisodes que l’iconographie a le plus popularisés. Cet irrespect d’autrui est une atteinte plus grave qu’il n’y paraît au pacte social de toute démocratie. De telles pratiques pourraient être passibles de tribunaux

En 1994, Claudia Schiifer défile avec une robe sur laquelle sont écrits des fragments des versets coraniques. Devant le scandale provoqué par des organisations musulmanes, Chanel s’excuse et fait brûler les trois robes en cause. Après avoir exigé la restitution de toutes les images de la robe, le PDG de Chanel déclare « qu’en aucun cas son respect de la religion musulmane ne l’aurait porté à commettre un sacrilège ou à offenser la communauté musulmane ».

Le « délit de blasphème » est de nouveau réprimé à travers l’affaire « Barre à Mine », par le tribunal correctionnel de Nice le 30 juin 1994. Le journal satirique Barre à Mine avait publié une caricature du Christ en string. Le rédacteur en chef et le directeur de la publication furent condamnés pour « pornographie » au titre de l’article L. 227-24 du nouveau Code pénal à 30 000 francs d’amende chacun. Cet article vise à « mieux protéger les enfants » contre quiconque qui « diffuse un message à caractère violent ou pornographique susceptible d’être vu par un mineur ». L’expression d’un point de vue antireligieux est ainsi assimilé à une atteinte à la « dignité humaine ».

1994

En juillet 1994, l’AGRIF (Alliance Générale contre le Racisme et pour le respect de l’Identité Française et chrétienne) attaque en diffamation le journal satirique Charlie-Hebdo suite à un reportage sur le pèlerinage intégriste de Chartes. Condamné en première instance par la 17e chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris, le journal gagne en appel et en cassation.

1996

En septembre 1996, l’AGRIF attaque Charlie-Hebdo pour « racisme anti-chrétien » suite à un article de Philippe Val du n° 211 et titré : « Bienvenue au pape de merde » à l’occasion de la venue de Jean-Paul II en France. L’association sera déboutée en première instance, en appel et en cassation, et condamnée aux dépens.

En décembre 1996, Charlie-Hebdo est condamné en appel pour des dessins parus dans un cahier « Spécial manif anti-pape, des posters pour vos pancartes ».

1998

En avril 1998, Charlie-Hebdo gagne un procès qui visait le dessin d’un curé pédophile présentant une hostie à un petit garçon.

En janvier 1997, cinq membres d’Act-Up et d’Egales (Etudiants gay et lesbiennes de strasbourg) ont été condamnés, à Strasbourg en première instance correctionnelle, à une amende de 4 000 F chacun pour avoir perturbé une messe le 27 octobre 1996. Cette décision se base sur les lois concordataires en vigueur en Alsace-Moselle.

L’association Croyances et Liberté avait intenté un procès devant le tribunal de grande instance de Paris contre Volkswagen et son agence de publicité DDB, en mars 1998, pour une campagne inspirée de « La Cène » de Léonard de Vinci. L’affaire n’est toutefois pas allée devant les tribunaux.

Bettina Rheims et Serge Branly publient un ouvrage de photographies qui revisite l’iconographie religieuse : on peut y voir en couverture Jésus représenté en jeune fille crucifiée aux seins nus. Le 5 octobre 1998, le père Laguérie, ancien curé de la paroisse intégriste de St-Nicolas du Chardonnet, assigne en référé devant le tribunal trois librairies de Bordeaux (Mollat, FNAC et Virgin). Le juge décide d’interdire l’exposition du livre sous peine d’astreinte de 500 F par infraction constatée. Deux jours plus tard, le public se précipitait au Salon du Livre de Bordeaux pour voir l’objet du délit présenté sur le stand de la Machine à Lire, librairie non touchée par la plainte. Mais la cour d’appel de Bordeaux infirme l’interdiction le 16 novembre 1998 estimant qu’il n’y avait « aucune volonté de dérision contre les convictions chrétiennes et le symbole traditionnel de cette religion ». Le plaignant a dû payer 8 000 F de dommage et intérêts à la FNAC qui avait le soutient de la Ligue des Droits de l’Homme. Le magasine Photo a repris, en novembre de la même année, la photo de la jeune fille crucifiée en couverture. Elle a donc été exposée à la vue chez tous les marchands de journaux de France…

Le 24 décembre 1999, la Ville de Lyon est condamnée à verser 5 000 F de dommages et intérêt pour l’exposition, au Musée d’Art Contemporain, de la bande dessinée Port Nawak (Ed. Vent d’Ouest) à cause d’une femme dénudée qui ferait référence à Sainte Marie-Madeleine.

L’écrivain Renaud Camus est accusé d’antisémitisme par le journal Les Inrockuptibles à la suite de la publication de La Campagne de France en 2000. Le MRAP se saisie de la polémique, le microcosme intellectuel est en émoi mais l’affaire est vite oubliée.

La justice rejette, le 23 août 2001, une demande d’interdiction d’un film par l’AGRIF qui n’acceptait pas le titre Ceci est mon corps emprunté à la liturgie chrétienne.

Les propos de Michel Houellebecq dans le mensuel Lire provoque l’indignation en septembre 2001. Il y déclare : « La religion la plus con, c’est quand même l’islam. Quand on lit le Coran on est effondré. (…) L’islam est une religion dangereuse, et ce depuis son apparition. Heureusement, il est condamné. D’une part, parce que Dieu n’existe pas et que, même si on est con, on finit par s’en rendre compte. (…) D’autre part, l’islam est miné par le capitalisme. (…) Le matérialisme est un moindre mal. Ses valeurs sont méprisables, mais quand même moins destructrices, moins cruelles que celles de l’islam ». Les représentants de la communauté musulmane en France, dont les responsables des mosquées de Paris et de Lyon, appuyées par la Ligue des Droits de l’Homme, poursuivent en justice l’écrivain et la revue pour injure raciale et incitation à la haine religieuse. Houellebecq défend le « droit à l’humour » devant la 17e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris, le 17 septembre 2001. L’accusation tente d’assimiler ses propos sur l’islam à une attaque contre les croyants mais l’écrivain sera relaxé par le jugement rendu le 22 octobre 2002.

Une demande d’interdiction de l’affiche du film de Constantin Costa-Gavras Amen est déposée par l’association ultra catholique AGRIF en février 2002. La superposition de la croix chrétienne et de la croix gammée avait choqué mais la justice a rejeté la demande qualifiée de « lecture fermée » du message.

Le procès d’Oriana Fallaci a lieu le 9 octobre 2002 à la 17e chambre civile du Palais de Justice de Paris. Le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples), la Ligue des Droits de l’Homme et la LICRA (Ligue contre le racisme et l’antisémitisme) s’élèvent devant la publication de son livre contre l’islam La rage et l’orgueil. Le tribunal de Grande Instance de Paris a finalement annulé la procédure engagée pour vice de forme le 21 juin 2002.

Le 29 avril 2004, l’association AIDES de lutte contre le SIDA est condamnée avec sursis à une amende de 1 000 euros par le Tribunal de Toulouse pour « injures raciales publiques envers des personnes en raison de leur appartenance à une religion déterminée ». L’AGRIF s’était estimée injuriée par une affiche de promotion du préservatif dont le slogan était : « Sainte-Capote, protège-nous ».

Le dimanche 14 novembre 2004, France Culture diffuse en direct une messe célébrée à Lille au cours de laquelle est lu un extrait du livre de Malachie qui menace de brûler les impies : « Voici que vient le jour du Seigneur brûlant comme une fournaise. Tous les arrogants, tous ceux qui commettent l’impiété seront de la paille. Le jour qui vient les consumera, déclare le Seigneur de l’univers. Il ne leur laissera ni racine ni branche mais pour vous qui craignez mon nom le soleil de justice se lèvera, il apportera la guérison dans son rayonnement. Parole du Seigneur. »

Le professeur d’histoire Louis Chagnon est accusé en 2004 d’islamophobie dans l’indifférence médiatique (à l’exception du Figaro). Il avait déclaré dans son cours sur le début de l’islam que « Mahomet va se transformer en voleur et en assassin (…) Il va imposer sa religion par la terreur (…) Il a fait exécuter 600 à 900 juifs en un jour ». Le MRAP avait déposé une plainte pour « provocation à la haine raciale envers des personnes de confession musulmane » et l’avait retiré le 12 février après avoir obtenu du rectorat un blâme à l’enseignant le 22 janvier à l’unanimité du conseil de discipline. Ce dernier se défend dans un article paru dans Le Figaro daté du 6 février 2004 (Est-il permis de parler de l’islam à l’école ?). Mais, à son tour, Louis Chagnon dépose plainte pour diffamation contre le MRAP et Kamel Zmit, responsable d’un comité de parents d’élèves. Au cours du procès, la question est posée de savoir si le blâme prononcé est équivalent à sanctionner un blasphème comme le réclame certaines organisations (voir les déclarations de Mouloud Aounit sur France 3 au nom du MRAP). Car si le cours avait été reconnu comme effectivement raciste, la sanction aurait dû être logiquement beaucoup plus grave. Or le blâme est une sanction relativement légère…

Le 13 janvier 2005, au journal de 13 h de France 3, Mouloud Aounit, secrétaire général du MRAP se déclare favorable au rétablissement du délit de blasphème : « La justice doit être d’une fermeté exemplaire pour éviter non seulement la récidive mais aussi pour prévenir et de montrer qu’aujourd’hui si la liberté d’expression est un bien fondamental qui fait partie des droits de l’homme, la liberté de blasphémer et la liberté d’ouvrir le champ au racisme doit être condamnée avec la plus grande fermeté » (transcription exacte des propos entendus). Le MRAP a fait de la lutte contre l’islamophobie sa priorité en diabolisant toutes les critiques de l’islam (L’Express du 24 janvier 2005). Cependant, après son Conseil national du 15 janvier 2005, le MRAP, dans un long communiqué interne destiné à tous les adhérents, proteste fermement contre les propos tenus par son secrétaire général.

L’Eglise catholique obtient le 11 mars 2005 la censure par le Tribunal de Grande Instance de Paris d’une affiche des créateurs de mode Marithé et François Girbaud, sanction accompagnée d’une amende de 10 000 euros. La Cour d’appel confirmera la censure le 8 avril 2005. Libre interprétation de La Cène de Léonard de Vinci, la photographie insiste sur la sensualité des corps. Les apôtres comme le personnage de Jésus sont des femmes habillées par la marque. Selon l’association Croyance et libertés, qui représente les évêques, cette campagne de publicité portait atteinte à la foi catholique. Elle dénonce les « comportements érotiques et blasphématoires » illustrés dans une pub utilisant « une scène sacrée à des fins mercantiles » (Marianne, 12 mars 2005). Le tribunal à estimé que « L’injure ainsi faite aux catholiques apparaît disproportionnée au but mercantile recherché », ajoutant que « le choix d’installer dans un lieu de passage obligé du public cette affiche aux dimensions imposantes constitue un acte d’intrusion agressive et gratuite dans le tréfonds des croyances intimes » (Libération, 10 mars 2005). L’interdiction est levée par la Cour de cassation le 14 novembre 2006 estimant que le délit de blasphème n’existe pas et qu’il ne peut y avoir de contrôle religieux sur la liberté de création. La réponse à la décision de la cour d’appel est cinglante : « Qu’en retenant ainsi l’existence d’un trouble manifestement illicite, quand la seule parodie de la forme donnée à la représentation de la Cène qui n’avait pas pour objectif d’outrager les fidèles de confession catholique, ni de les atteindre dans leur considération en raison de leur obédience, ne constitue pas l’injure, attaque personnelle et directe dirigée contre un groupe de personnes en raison de leur appartenance religieuse, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

Le 26 mai 2005, le sociologue Edgar Morin est condamné pour « diffamation raciale » pour un article critiquant Israël. Sont aussi condamnés les co-signataires de l’article, l’eurodéputé Sami Naïr et l’écrivain Danièle Sallenave, ainsi que Marie Colombanie, directeur du Monde qui avait publié cette tribune.

CSA adresse, en juin 2005, une mise en demeure à Canal Plus concernant un sketch des Guignols qui mettait en scène le pape Benoît XVI à propos de son passé dans les jeunesses hitlériennes. Rebaptisé « Adolf II », le nouveau pape déclare « Je vous bénis au nom du père, du fils et du troisième Reich ». Pour le président du CSA, cette mise en demeure est un « avertissement à une chaîne qui a franchi la ligne blanche ».

La publication de la correspondance de la psychanalyste Françoise Dolto chez Gallimard en octobre 2005, a été « nettoyée » des propos qui pouvaient être interprétés comme antisémites. L’éditeur explique : « Nous nous y sommes finalement résolus à la demande de notre service juridique, afin de pas avoir d’ennuis avec des organisations ».

A Toulouse, l’association Aides a fait l’objet de poursuites pénales sur le fondement d’une plainte de l’AGRIF pour injure publique contre un groupe de personnes à raison de leur religion (article 33 al. 3 de la loi du 29 juillet 1881). Une campagne de lutte contre le sida mettait en scène une nonne avec un préservatif. Le Tribunal de Grande Instance et la cour d’appel de Toulouse ont condamnés les responsables locaux de l’association. La cour de cassation a été saisie de l’affaire en février 2006.

Au nom de la liberté d’expression, France Soir reproduit le 1er février 2006 les douze caricatures de Mahomet qui avaient suscité des réactions très agressives dans le monde musulman lors de leur parution dans le quotidien danois Jyllands-Posten le 30 septembre 2005 et dans le magazine norvégien Magazinet le 10 janvier 2006. Le directeur de la publication, Jacques Lefranc, est alors limogé le lendemain même par le propriétaire franco-égyptien du journal Raymond Lakah, ce qui provoque une grave crise interne. Le Conseil d’Administration du MRAP, réuni le 4 février, décide de porter plainte contre France Soir malgré l’opposition d’une partie des membres de l’association.

Charlie Hebdo publie à son tour, dans son numéro du 8 février 2006, les caricatures de Mahomet. La Grande Mosquée de Paris, l’UOIF (Union des Organisations Islamiques de France) et la Ligue Islamique Mondiale déposent plainte en juillet 2006 contre le journal satirique français pour « injure publique à l’égard d’un groupe de personnes à raison de la religion ». Sont visées la couverture de Cabu présentant Mahomet assis, les mains devant les yeux, se lamentant : « C’est dur d’être aimé par des cons » et deux caricatures représentant Mahomet avec une bombe dans le turban et devant les portes du paradis annonçant aux kamikazes qu’il n’y a plus de vierges à leur disposition. Le Tribunal correctionnel de Paris examine la plainte les 7 et 8 février 2007 ce qui provoque un débat passionné mais sans violence. Le 10 février 2006, à Téhéran, l’ambassade de France reçoit des cocktails Molotov. Le président Jacques Chirac dénonce les « provocations manifestes » de Charlie Hebdo. Une manifestation contre ces caricatures rassemble plusieurs milliers de musulmans à Paris le 11 février. Mais la justice prononce la relaxe et le rejet des demandes des parties civiles le 22 mars 2007. Les juges ont considérés que « dans une société laïque et pluraliste, le respect de toutes les croyances va de pair avec la liberté de critiquer les religions, quelles qu’elles soient » tout en rappelant que « le blasphème n’est plus réprimé en France » (Libération, 23 mars 2007). Pour le directeur de Charlie Hebdo, Philippe Val, il s’agit d’une « victoire européenne » et une « revanche après l’assassinat de Theo Van Gogh aux Pays-Bas, la déprogrammation d’Idomeneo de Mozart par l’opéra de Berlin ou l’absence de réaction aux attaques contre le Danemark et ses ambassades ». De fait, cette décision fait jurisprudence.

Le 8 mars 2006, dans le 20e arrondissement de Paris, le café La Mer à boire présentait une exposition de dessin antireligieux intitulée « Ni Dieu ni Dieu ». Peu après, le 28 mars, des gamins du quartier ont insulté et menacé les personnes animant le bar. (Libération, 6 mars 2006). L’exposition fut maintenue jusqu’à son terme, le 18 avril, malgré les pressions quotidiennes.

Suite à l’affaire des caricatures de Mahomet, deux députés de l’UMP se déclarent favorables au retour du délit de blasphème. La première proposition de loi déposée le 28 février 2006 par Jean-Marc Roubaud, député du Gard est intitulée « Proposition de loi visant à interdire les propos et les actes injurieux contre toutes les religions ». Le texte stipule que « Tout discours, cri, menace, écrit, imprimé, dessin ou affiche outrageant, portant atteinte volontairement aux fondements des religions, est une injure ». La seconde proposition, déposée le 21 mars à l’initiative d’Eric Raoult, député-maire de Raincy, vise à ajouter les caricatures dans la liste des publications concernées par les « crimes et délits commis par la voie de la presse » soit les articles 23 et 29 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse (Proposition de loi visant à interdire la banalisation du blasphème religieux par voie de caricature).

Robert Redeker, professeur de philosophie dans la région toulousaine, écrit un article paru dans Le Figaro le 19 septembre 2006 intitulé : Face aux intimidations islamistes, que doit faire le monde libre ? Il est aussitôt menacé de mort et contraint de vivre au secret pour avoir écrit notamment que « chef de guerre impitoyable, massacreur de juifs et polygame, tel se révèle Mahomet à travers le Coran ».

Le numéro 847 de Charlie Hebdo daté du 10 septembre 2008 était un « numéro spécial pape », à l’occasion de la visite en France de Benoït XVI. L’Agrif attaque en justice immédiatement le journal sur deux extraits pour provocation à la discrimination,  la haine et à la violence envers les chrétiens. Le premier, titré « Fondamentaux », disait : « Benoît XVI est pour un retour aux fondamentaux du catholicisme. Nous aussi : que l’on redonne les chrétiens à bouffer aux lions ! ». Le second, intitulé « Devinette », était rédigé ainsi : « De quel ouvrage pornographique est tirée cette phrase : ‘On lui amena les petits enfants pour qu’il les touche’ ? Réponse : l’Evangile selon saint Marc (chapitre 10, verset 13). Et c’est juste après que ce gros cochon de Jésus-Christ s’exclame : ‘Laissez venir à moi les petits enfants.’ » L’association catholique intégriste à fait valoir sa logique : « Mais s’il est vrai, comme disent les sociologues, que les hommes finissent toujours par ressembler à la divinité qu’ils adorent, et que d’ailleurs les chrétiens ont pour programme de vie l’imitation du Christ, il est clair qu’une telle accusation, la pire qui soit aujourd’hui où tout est permis mais où l’atteinte aux enfants demeure un mal absolu, éclabousse chaque chrétien. » Le jugement rendu le 2 juin 2009 par le tribunal correctionnel de Paris considère que les premiers propos ne peuvent « être sérieusement compris par quiconque comme un appel au meurtre des chrétien » et les seconds « comme imputant sérieusement à Jésus-Christ des actes de pédophilie ».