Tolérant

Autriche

La République fédérale d’Autriche a remis en vigueur sa constitution de 1928 en 1955. Elle contient la pleine liberté religieuse (art. 14) et la distinction entre confessions reconnues et cultes privés (art. 15 et 16). Comme l’Allemagne, l’Autriche assume et applique le concordat de 1933. La religion catholique dispose d’un rôle considérable sur les plans social et éducatif.

Il est intéressant de noter que là aussi, un paragraphe du code pénal concerne les « troubles apportés à la religion ». Ridiculiser les dogmes religieux est ainsi puni par la loi.

 

Code pénal autrichien : Paragraphe 188 – Humiliation du dogme religieux

  1. a) « Par. 188. – Quiconque dénigre ou bafoue, dans des conditions de nature à provoquer une indignation légitime, une personne ou une chose faisant l’objet de la vénération d’une Eglise ou communauté religieuse établie dans le pays, ou une doctrine, une coutume autorisée par la loi ou une institution autorisée par la loi de cette Eglise ou communauté encourt une peine d’emprisonnement de six mois au plus ou une peine pécuniaire de 360 jours-amendes au plus. »

Les procès de blasphèmes, nombreux de 1983 à 1989, s’appuient essentiellement sur ce paragraphe pour réprimer tout troubles apportés à la religion. Parmi les cas recensés, citons la « semaine anticléricale » du 7 au 15 mai 1985 organisée par la SOAL (Socialistische Alternative) à l’université de Salzbourg. Voulant empêcher cette manifestation, le recteur fait appel à la loi. Le ministère public, un an plus tard, porte plainte contre les responsables des affiches qui représentaient la caricature d’un prêtre (identique à celle utilisée en Allemagne, voir plus loin), ce prêtre tenant dans la main une marionnette censée représenter Dieu. Au bout de deux ans, le jugement prononce un acquittement mais le ministère public s’oppose à cette issue auprès de l’Oberlandesgericht (la plus haute instance judiciaire) qui accepte de rouvrir le procès. Le ministère public clôture finalement le dossier considérant que la faute est mineure étant donné l’ancienneté des faits. Reste qu’il semble difficile à un humoriste de travailler dans ces conditions.

Plus grave encore, l’arrêt Otto Preminger Institut contre l’Autriche de la Cour Européenne des Droits de l’Homme en date du 20 septembre 1994, requête n’° 13470/87, a validé l’interdiction d’un film jugé « blasphématoire » par les catholiques majoritaires dans le Tyrol. Mis en scène par Werner Schroeter, le film intitulé Le Concile d’amour est sorti en 1981. Il est présenté ainsi par la Cour :

« Il commence et se termine par des scènes censées extraites du procès de Panizza en 1895. Dans l’intervalle, il montre une représentation de la pièce par le Teatro Belli de Rome. Le film dépeint le dieu des religions juive, chrétienne et islamique comme un vieil homme, apparemment sénile, qui se prosterne devant le diable, échange avec lui un baiser profond et l’appelle son ami. Il le présente également comme jurant par le diable.  D’autres scènes montrent la Vierge Marie permettant qu’on lui lise une histoire obscène et la manifestation d’une certaine tension érotique entre elle et le diable. Jésus-Christ adulte est campé comme un débile mental profond et une scène l’exhibe tentant lascivement de caresser les seins de sa mère et d’y poser des baisers, ce qu’à l’évidence elle tolère.  Le film montre Dieu, la Vierge Marie et le Christ en train d’applaudir le diable. »

Le 10 mai 1985, le procureur intente des poursuites, sur requête du diocèse d’Innsbruck de l’Eglise catholique romaine, pour « dénigrement de doctrines religieuses » contre Otto-Preminger-Institut qui gère une salle de cinéma où avait été projeté le film. Celui-ci fut saisi le 12 mai 1985 dans l’attente d’une décision définitive. L’appel fut rejeté le 30 juillet 1985. Un nouveau procès se déroule devant le tribunal régional le 10 octobre 1986 et conduit à la confiscation du film. Les motifs du jugement sont précisés dans le passage suivant :

« La projection publique, prévue pour le 13 mai 1985, du film Das Liebeskonzil, où texte et images présentent Dieu le Père comme un idiot sénile et impotent, le Christ comme un crétin et Marie Mère de Dieu comme une dévergondée au langage correspondant, et où l’Eucharistie est tournée en ridicule, répond à la définition du délit de dénigrement de doctrines religieuses au sens de l’article 188 du code pénal. »

Dès lors, des représentations de la pièce originale dont le film est tiré ont lieu à Vienne et à Innsbruck.

Mais la Cour Européenne des Droits de l’Homme a considéré « qu’un Etat peut légitimement estimer nécessaire de prendre des mesures visant à réprimer certaines formes de comportement, y compris la communication d’informations et d’idées jugées incompatibles avec le respect de la liberté de pensée, de conscience et de religion d’autrui ».